L’économie d’abord, disent les Etats-Unis en quête du « succès » de Martelly

Ce sera le nouveau credo de la politique de l’administration Obama, sans délaisser pour autant le champ de la construction démocratique, a fait ressortir l’ambassadeur Kenneth Merten qui, à la veille de son départ, a déclaré à Radio Kiskeya et plusieurs autres médias qu’Haïti était un « pays compliqué »

Washington va mettre l’accent davantage sur la promotion de l’économie dans sa coopération avec Haïti, sans pour autant négliger la cause de la démocratie, a confié vendredi l’ambassadeur américain, Kenneth Merten, en qualifiant de « trois années mouvementées » sa mission qui touche à sa fin.

Interrogé dans sa résidence par un pool de médias dont Radio Kiskeya, le diplomate, qui a fait un tour d’horizon de la politique américaine vis-à-vis d’Haïti souvent objet de controverses et de confrontations idéologiques, a admis que son pays n’a pas assez travaillé sur le plan économique tout en répétant que l’aide au développement ne pouvait entraîner des transformations profondes liées d’abord à l’arrivée de nouveaux investissements et à l’impulsion de la croissance.

Cependant, tout en évoquant un « changement philosophique de l’administration Obama », M. Merten, soutenu par son porte-parole John Pietchowski, a estimé que « la situation est très compliquée en Haïti ».

« Au XXIe siècle, on peut faire de l’argent et du bien aussi », a-t-il ajouté pour rester dans la tonalité de son discours fondé sur l’optimisme.

Il a rappelé que durant sa mission la représentation diplomatique des Etats-Unis a eu à faire face à trois problèmes majeurs, le séisme dévastateur de janvier 2010 ayant causé 250.000 morts, l’épidémie de choléra à l’origine de 400.000 cas de contamination et les élections de 2010/2011 qui avaient plongé le pays dans une grave crise politique.

Sur ce dernier dossier au caractère polémique toujours vivace, l’interviewé -non enregistré à sa demande- a tenu, pour la énième fois, à faire le point en mettant en avant « l’impartialité » des Etats-Unis dans le processus électoral ayant conduit au pouvoir l’actuel Président, Michel Martelly, au prix d’une ingérence flagrante de la communauté internationale.

Arguant que l’administration démocrate tenait tout simplement à la crédibilité du processus électoral, Kenneth Merten a fait savoir qu’il n’y avait aucune préférence pour l’ancien chanteur « Sweet Micky » et expliqué que la réaction serait la même si les résultats du premier tour du 28 novembre 2010 avaient été proclamés de façon injuste pour un autre candidat comme par exemple Me Jean Henry Céant ou le Dr Josette Bijou.

L’ambassade américaine avait très rapidement rejeté les résultats du scrutin présidentiel en raison de l’exclusion du second tour de M. Martelly qui, sous pression internationale, allait être finalement repêché pour affronter Mirlande Manigat au détriment de Jude Célestin, le dauphin du Président sortant, René Préval.

Refusant l’étiquette de proconsul, l’ambassadeur e n a profité pour démentir les allégations selon lesquelles des diplomates occidentaux -y compris lui-même- auraient proposé à l’ex-chef de l’Etat d’écourter son mandat et de prendre le chemin de l’exil afin de sortir le pays de l’impasse politique née de ces élections chaotiques.

« Je suis nommé par le Président Obama et non par le peuple haïtien. Je suis un ambassadeur », a poursuivi Merten avant d’affirmer avec subtilité que son pays, en sa qualité de donateur, avait un droit naturel à exercer dans la conduite du processus électoral.

Enchaînant avec la polémique sur la présumée nationalité étrangère du chef de l’Etat, restée pendant plusieurs mois au cœur de l’actualité, le représentant des Etats-Unis a encore justifié son intervention, en mars dernier au Palais National, au cours de laquelle il avait solennellement déclaré que Michel Martelly n’était pas américain, mais bien haïtien.

Comme avant lui Jean-Bertrand Aristide et René Préval, Washington souhaite que l’actuel dirigeant haïtien réussisse son mandat parce que c’est très important pour le renforcement de la démocratie, a laissé entendre un Merten très appliqué dans ses échanges avec les journalistes.

Concernant son point de vue sur le pouvoir, il le crédite d’une bonne politique de communication et d’une « véritable volonté d’aider le peuple haïtien » à améliorer son sort. Cependant, la stratégie efficace capable d’attirer les investisseurs continue de faire défaut, relève le diplomate sur le point de boucler sa troisième expérience diplomatique en Haïti cumulée sur une période de plus de vingt ans.

Enfin, sur le thème de la reconstruction, M. Kenneth Merten a reconnu que plus de deux ans après le tremblement de terre, le processus tournait au ralenti. Tout en notant que des critiques visaient l’USAID et ses relations avec certaines ONG pas toujours au-dessus de tout soupçon, le diplomate a promis une application stricte des règles américaines de la transparence et repris à son compte les propos de son collègue Thomas Adams (coordonnateur spécial des Etats-Unis pour Haïti) qui avance que « le leadership de la reconstruction doit être haïtien ».

Arrivé à Port-au-Prince en 2009, Merten doit partir le 20 juillet à destination de son nouveau pays d’affectation, la Croatie.

Sa successeure, Pamela Ann White, est attendue ici dans les prochains jours.

Le diplomate américain annonce d’ores et déjà qu’il compte revenir visiter ses amis en Haïti de temps à autre.

N.B L’ambassadeur a répondu aux questions des journalistes de Radio Kiskeya, Radio Mélodie FM, Radio Caraïbes FM, Signal FM, Scoop FM, Le Nouvelliste, Le Matin et HPN/AFP.

spp/Radio Kiskeya