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6 novembre 2012

Haiti-Santé Publique: Hopital universitaire Justinien du Cap-Haitien,un véritable enfer...

JustinienComme tout grand centre hospitalier, l’Hôpital universitaire Justinien du Cap-Haitien (HUJCH) possède une maternité qui, paradoxalement, est considérée comme un lieu de torture pour les parturientes. Si accoucher est un plaisir de mettre au monde un enfant dans un centre hospitalier où la prise en charge d’une malade se fait de manière professionnelle et inconditionnelle, à la maternité de l’HUJCH, c’est tout à fait le contraire. Les parturientes doivent payer pour obtenir un service privé et semi-privé. Le service public est pour sa part très négligé.


Il suffit d’y effectuer une petite visite pour être le témoin de la douleur de certaines femmes mettant au monde leur progéniture dans des conditions déplorables.

Un dortoir pour le public

La salle publique de la Maternité de l’Hôpital justinien se trouve au rez-de-chaussée. Elle comporte une quarantaine de lits. Il s’agit d’une grande salle découpée en trois blocs par des rideaux. Là, les conditions d’hygiène, la question d’intimité, de dignité sont inexistantes. Le parquet n’est pas nettoyé, les toilettes en mauvais état, L’eau des robinets ne coule pas. Pour se laver, chaque patiente doit se procurer son propre bidon d’eau.

À la réception, derrière le comptoir un jeune médecin se tient sur une chaise. À sa droite un bureau délabré fait souvent office de lit au moment des grandes fatigues selon le jeune professionnel de la santé.

Presque tous les lits sont occupés par des femmes dont certaines très jeunes. Ce soir là, environ six (6) d’entre elles avaient déjà leurs bébés, les autres devaient encore attendre dans la douleur, l’amertume et le grincement des dents.

Au milieu de cet enfer, six (6) jeunes médecins, quatre (4) internes et deux (2) résidents assurent le service dans la nuit du 16 au 17 octobre dernier. Pas un médecin de service. Un jeune praticien dévoué confie que si un cas les dépasse, ils peuvent toujours faire appel à un médecin plus expérimenté.

Parmi ces femmes en mal d’enfance, de temps à autre une nouvelle candidate arrive grossissant ainsi le concert des cris de ces femmes. Dans un coin de la salle, une femme s’explose à gorge déployée, d’autres reprenaient au gré de leur douleur et de leur tempérament. Par-delà leur souffrance, certaines de ces parturientes déclarent ne pas être bien traitées.

Faute de tables d’accouchement suffisantes et de personnels disponibles, une vingtaine de femmes restent avec leur douleur dans leur lit, d’autres trainent dans les couloirs en suppliant le Bon Dieu de leur venir en aide. Jeanne 27 ans, déjà mère de 4 enfants, vient pour son cinquième. Elle souffre depuis trois jours et son mari est en République dominicaine. Pipine a 22 ans, elle aussi est là depuis deux 2 jours.

Et à même le sol, dans le couloir, une femme met un enfant au monde, heureusement qu’une parente qui l’accompagnait a eu le temps de lui tendre une serviette.

Un privé dans le public

De la salle publique, une rampe conduit aux services semi-privé et privé. Tout au long de cette voie, par endroits, la céramique est enlevée et certaines fenêtres vitrées édentées.

À l’étage de la maternité, un peu de dignité règne, un service privé et un autre semi-privé sont offerts. Néanmoins son accès présente une certaine difficulté pour la majorité des petites mamans. N’importe quelle femme au moment de son accouchement ne peut pas normalement s’y faire admettre. Il fallait d’abord qu’elle ait été suivie par un médecin traitant pendant la durée de sa grossesse. Sans quoi elle aurait toutes les peines du monde à honorer ses obligations envers l’administration de l’hôpital.

La personne, admise en privé, avec 1250 gourdes par jour, dispose d’une chambre à elle en toute intimité, avec deux lits, un berceau pour son bébé et un ventilateur. Le dilemme, c’est qu’il n’y a que quatre chambres privées.

Par ailleurs le semi-privé a une capacité d’une dizaine de lits disposés dans une grande salle découpée en béton à mi-hauteur et un rideau sous forme de glissière fait office de porte. Ici, la patiente, en payant 200 gourdes par jour, dispose d’un carré avec un lit et un berceau.

Là-haut, si nos petites mamans ne pouvaient rien faire pour se débarrasser de leur souffrance, elles pourraient au moins se payer une certaine dignité et d’intimité.

La douleur était partout

Il était environ minuit quand l’un des deux agents de sécurité faisait sa tournée dans la salle. Il m’a vu en pourparlers avec quelques médecins. Comme je n’étais pas une femme et n’avais pas de blouse, donc pas médecin, il m’a demandé de le suivre. Au fond j’allais m’arrêter à son carré, il était content d’apprendre que je suis journaliste. Devant la porte d’entrée où il a repris son siège, cet agent nous conta ses misères et ses douleurs. Il me confie qu’ils sont quatre à assurer le service de sécurité. Sans bâtons, ni armes, ils sont dépourvus de tout. Pas d’uniformes, pas de casiers, pas d’eau, pas de téléphone…. Malgré ses 16 ans d’expérience, son salaire ne dépasse pas 5 500 gourdes, pourtant il a cinq enfants. Ses collègues ont également de grandes responsabilités, indique l’agent de sécurité.

Pendant qu’il me parlait ainsi, les cris d’une femme d’à côté nous couvrait quasiment. Cet agent sans équipement a demandé à cette femme qui se tordait de douleur d’aller marcher un peu dans les couloirs. Il lui a expliqué qu’un peu d’exercice précipiterait son accouchement et la dame a fait comme il a dit. De temps à autre, un bébé est né. Au dehors, les papas et futurs papas font les cents pas, d’autres parents sont aussi là, dans l’attente d’être appelés pour la grande et bonne nouvelle.

Une anecdote

Devant le manque d’accompagnement de la direction, un vieux membre du personnel de soutien nostalgique de l’ère duvaliérienne me conta une histoire. Selon ses dires, un jour Jean-Claude Duvalier, voulant s’enquérir de la réalité de l’Hôpital Justinien, l’avait visité incognito. Se camouflant sous un grand chapeau, le président simulait une personne malade. Il demandait avec insistance de l’aide. Et l’infirmière de service ne s’empressait guère de lui porter assistance. Sous le coup de ses douleurs simulées, le Président a élevé la voix. L’infirmière se fâcha et lui dit : vous vous croyez Duvalier pour oser me parler ainsi ! A cet instant, enlevant son chapeau, le président s’est démasqué et lui a dit gentiment : oui miss, je suis votre président, Jean-Claude Duvalier. Des révocations s’ensuivaient et depuis ce jour on était devenu plus prudent. Mais, aujourd’hui, les vieilles habitudes s’installent à l’HUJCH.

Et dans cette pagaille, ce vieux membre du personnel exprime son grand désir de voir l’actuel Président faire de même un de ces quatre matins.

Confidence

Si ce soir, pour quelqu’un qui n’est pas un habitué du service, on aurait pu dire que la douleur était au comble particulièrement pour les patientes et leurs parents. La douleur a été vue et sentie sous plusieurs formes. D’une certaine manière chacun l’avait vécue : médecins, personnel de soutien, agents de sécurité, parents, patientes…… Cependant une infirmière nous a confié qu’il y a des soirées pires que celle-là. Problème d’électricité, grèves à répétition du personnel de soutien, absence de médecins de service…. Et qui pis est, le petit personnel qui commerce à l’intérieur les matériels de l’Hôpital : fil de suture, gaz, soluté qu’ils ont volés.

Et enfin de compte, malgré l’immense joie que nous procure le sourire sincère et innocent d’un nouveau-né, les chemins que certains parcourent pour arriver jusqu’à nous, ne sont pas faciles. Ces chemins sont souvent parsemés de peine, de douleur, voire d’indignité. Et les mères qui sont passés par la salle publique de la Maternité de l’HUJCH du Cap-Haitien, peuvent en témoigner.
Par Blanco Jean blancojean@yahoo.fr
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